Partout et maintenant, une perspective

Durant la seconde quinzaine de février, trois insurrections sont en cours. Celles de Tunisie et d’Égypte, qui vont sous peu connaître leur premier coup d’arrêt, et celle de Libye, au summum de sa généralisation. Dans le même temps, les mouvements de révolte au Bahreïn et au Yémen sont à la fois en phase d’amplification et de radicalisation. Le vendredi 25 février, la simultanéité des fronts ouverts atteint son niveau maximal. Les émeutiers se battent dans le centre de Tunis, la désormais ample mobilisation yéménite s’enflamme dans les rues d’Aden, les révoltés des quartiers de Tripoli tentent de prendre le centre de la capitale, les manifestants du Bahreïn convergent en nombre pour affirmer leur volonté clarifiée de dégager le régime. Un parti, au sens éminemment historique, apparaît là au grand jour. Sans chefs, sans encadrement, au-delà de toute résolution par la réforme et refusant tout dialogue avec les pouvoirs en place. Une communauté temporelle avance ainsi dans chaque État sous les colifichets des communautés nationales. Et dans cette même séquence, la révolte n’en finit pas de se propager. D’autres fronts s’ouvrent.

Un parti apparaît au grand jour, mais c’est encore pour une bonne part le grand jour médiatique, une lumière artificielle. Comme vecteur de la visibilité, l’information dominante joue un rôle fondamental et ambivalent. Si elle contribue à la propagation, quoiqu’encore concurrencée dans ce domaine par des formes de communication auxquelles on ne peut tout à fait l’identifier, elle est aussi la principale force capable de l’endiguer. Car ce qu’elle véhicule est d’abord sa propre représentation partisane, parti pris d’autant plus efficace qu’il demeure à couvert, autorisant par le monopole de la publicité et l’appropriation interprétative une version officielle des événements pour le monde, jasmin et Tahrir. Image à partir de laquelle se produisent des effets d’imitation sans négativité pratique, particulièrement pour des visées réformistes d’oppositions politiques qui n’en perçoivent donc qu’une aubaine pour mobiliser dans leur propre pays au-delà de leurs troupes habituelles. D’autre part, l’information dominante a déjà délimité de l’extérieur la propagation géographique par son appellation « printemps arabe », définition qui sous ses airs innocents définit les causes et impose les buts. À travers cette déformation idéologique agissant comme une dépossession de ses acteurs principaux, la révolte comme renversement de dictateurs et non encore comme « crise » apparaît en partie sous un jour positif, apte donc à faire des émules. Les informateurs formulent encore des hypothèses d’extension à d’autres États, leur théorie « des dominos » suivant le storytelling d’une chute en série des « dictatures », mais commencent d’osciller entre enthousiasme démocratiste béat et anxieuse inquiétude à propos d’autres hypothèses évoquées non sans complaisance revancharde, celles d’une percée islamiste et d’une « instabilité » régionale. En février 2011, ils ne peuvent encore s’appuyer sur une défaite des insurrections en cours susceptible de décourager de nouveaux candidats au renversement d’autres régimes. Ce qu’ils commenceront de faire au cours de la guerre civile libyenne et qu’ils finaliseront avec la boucherie syrienne. Pour l’instant, ils cherchent toujours la pédale de frein. Durant la seconde quinzaine du mois de février, il se produit un phénomène insolite, la profusion de révoltes crée un effet de saturation dans l’information. Pris de vitesse, les médias sont contraints d’établir chaque jour un compte rendu heure par heure de ce qui a lieu et ce récit brut suffit quasiment à lui seul à remplir leurs éditions quotidiennes. Dans le moment de cet entre-deux et avec la place qu’il leur reste, les spécialistes qu’ils convoquent assurent, à propos des États dont ils ont la charge et l’expertise, que la situation y est bien différente de celle, odieuse, des régimes tunisiens et égyptiens dont la chute doit désormais passer pour normale et justifiée, dans l’ordre des choses et dans le sens du progrès. Tel ou tel brillant analyste n’en avait-il pas après tout prédit, sur la base de profondes et sérieuses études économiques et démographiques, sinon l’inévitable au moins le fort probable avènement ? L’expert régional est essentiel, sous les traits d’un thérapeute qui ne conserve sa prééminence sur son patient qu’à la condition que celui-ci reste malade et couché. Il diagnostique son objet d’étude, liste ses symptômes, ses défaillances, évoluant au fil du temps de chômage en sécheresse, de patrimonialisme en déséquilibre tribal, prescrit les options gestionnaires pour désamorcer la crise éventuelle. Fatalité ici, impossibilité ailleurs. L’important est de nier l’inattendu de ce qui échappe alors à l’objectivation, nier la nouveauté telle qu’elle rompt dans sa dimension subjective la chaîne de causalité, comme le feront ensuite – ils sont payés pour ça – dans la longue période de répression contre-insurrectionnelle les géopoliticiens haut perchés réduisant l’événement à un simple « jeu » d’influence entre grandes puissances étatiques. Taire l’inattendu, c’est masquer l’absence totale de maîtrise, la prise au dépourvu, des dirigeants de ces puissances étatiques. Masquer leur grande crainte pour masquer l’élan qui la suscite et dont la plus grande qualité, si outrageante à l’époque des grands contrôles, est d’être imprévisible et autonome. L’offensive de l’hiver 2011 est une intervention insupportable pour l’accord général autour d’une soumission à ce qui est là, la violation d’un traité de paix sanctifiant le donné, l’être-là, auquel tous ceux qui pérorent de l’extérieur alors, journalistes, experts et dirigeants, se sont pliés en pariant sur son immuabilité. C’est plus globalement la position de l’observateur qu’elle attaque, tel qu’elle définit de plus en plus tyranniquement l’abdication comme modèle de rapport au monde, des néo-artistes aux néo-philosophes en passant par les néo-écologistes, celui d’un simple enregistrement des phénomènes, supposément indépendants de la pensée et sans plus même de lien entre eux, en guise d’ultime cul-de-sac positiviste d’un quotidiannisme réduit à son degré zéro.

De ce point de vue et davantage ailleurs que dans l’État où elle se produit, la chute de Moubarak, rampe de lancement de la propagation, est une brèche décisive. Pan d’impossible qui s’effondre. Révélation d’une fragilité. Réfutation de la vanité de la révolte. Négation du postulat d’un ordre implacable. Ascension subite des ambitions. Car, même à travers le filtre médiatique, ce qui s’est montré jusqu’alors, et s’affirme davantage avec les insurrections qui commencent juste, relève sans équivoque de la conflictualité historique dont la tentative de recouvrement par un supposé mouvement pacifique fleuri devient intenable, si ce n’est pour un public middleclass lointain et s’imaginant non concerné. Principalement celui satisfait de manifester et voter « librement ».

Du 18 au 28 février, dans une relative ou totale obscurité, les émeutiers de Djibouti, du Maroc, d’Irak, d’Oman et du Burkina Faso rejoignent l’offensive. C’est donc à la fois la simultanéité et la propagation qui sont alors à leur stade le plus avancé. Ces événements valent de ce point de vue là, considérant qu’ils participent d’un même assaut. Car pris isolément, aucun n’ouvrira sur une insurrection, exception faite du Burkina Faso, où elle interviendra trois ans plus tard. Les faits négatifs de Djibouti et d’Oman, États aux antipodes en apparence, sont très brefs, mais, signaux des plus instructifs quant à l’exaltante originalité du moment, ils surgissent sur des territoires où l’on ne se révoltait pas jusque-là. Les émeutes d’Algérie et du Maroc, fugitives elles aussi, contredisent les contrefaçons calquées sur la déformation médiatique des insurrections que tentent crapuleusement ou naïvement d’y implanter partis politiques et milieux associatifs. Les mouvements irakiens et burkinabés sont plus profonds. Inattendus et perturbants, ne collant pas avec l’interprétation qu’elle impose, la standard total view en cours de formation, l’information, ne sachant qu’en faire, les maintiendra à la marge ou les occultera. Pour l’heure, elle est focalisée sur la Libye, dont elle fait un spectacle quotidien.

Si, pour son image spectaculaire, l’information dominante englobe alors insurrections et émeutes dans un ensemble qu’elle nomme, leur attribuant une unité de l’extérieur par-dessus l’unité qu’elles dessinent d’elles-mêmes, c’est et ce sera toujours dans le maintien de leurs séparations nationales. Arabes ou non, la frontière les définit en dernière instance. Car ce que l’information montre, qu’elle parvient à saisir, ce sont, comme résultats, des « masses » rassemblées sur les places des capitales. Or ces masses, photogéniques car immobiles et apparaissant en plein jour, dites pacifiques car relativement passives, décorées des couleurs du drapeau et chantant l’hymne, suivent une critique entamée par les insurgés, entrent par une brèche que leur guerre à l’État a ouverte. Le vendredi 28 janvier, sommet des journées insurrectionnelles, quand des dizaines de milliers de personnes se battaient contre la police dans les rues des villes égyptiennes, la majorité des 80 millions d’Égyptiens était toujours chez elle. La communauté des pratiques et des actes par-delà les frontières montre comment ces insurgés-là ont bien plus à voir avec leurs homologues de Tunisie qu’avec l’ensemble de leurs « compatriotes ». Plusieurs désignations viendront bien nommer ces acteurs décisifs, « jeunes », « chebabs », « révolutionnaires », mais pour leur attribuer un simple rôle momentané qui servira à refouler ensuite, dans la masse nationale et la formulation middleclass, la critique qu’ils portent. Les entités abstraites « Tunisiens », « Égyptiens », « Libyens », « Yéménites » suggèrent le maintien d’éternelles identités a priori, indépendantes de l’histoire et non définies par des actes, faisant office de séparation à travers une représentation mentale pour laquelle la carte et ses frontières se substituent toujours au territoire. Leur meilleure réfutation alors consiste dans la manière dont les brûlantes idées issues des actes offensifs se jouent des frontières pour allumer d’autres consciences et embraser d’autres lieux.

Pour ce qui nous concerne, une telle extension de la révolte, dont nous relatons ici les extrémités, est une réjouissante nouvelle, la poursuite du dépassement inauguré à Suez. Les insurgés mènent un même débat, sous des formes différentes et par des chemins parallèles, ils se rejoignent dans leurs paroles, se font écho dans les actes, s’encouragent réciproquement, se revivifient par leurs audaces respectives, se répondent, encore séparés effectivement mais par la force de leurs enclos militaires. Les insurgés, comme on disait des prolétaires, n’ont pas de patrie. Dans leurs assauts conjugués sans être coordonnés, ils participent là où ils sont à une fragilisation d’un ordre qui n’est pas national. Il se profile un enjeu bien plus profond et bien plus menaçant que ce que la parole étatique internationale veut bien accorder et, de fait, ici et là, les concessions exceptionnelles de dirigeants réputés inflexibles, alors en partie sous l’incitation de leurs suzerains occidentaux, vont en témoigner. Dans ce présent-ci, des hypothèses éphémères se forment. Quel soutien possible des insurgés du Yémen à partir de Djibouti et d’Oman ? Quelle relance de l’insurrection tunisienne si les excentrés d’Algérie et du Maroc entrent, à nouveau pour les premiers, dans la danse ? Quel renversement de la standard total view si les dirigeants chiites sont à leur tour attaqués en Irak ? Quel effet sur les insurgés égyptiens, connaissant leurs premières défaites, si Tripoli tombe ?

L’inédite simultanéité suggère un vieux mythe anarchiste de la fin du XIXe siècle, ce « grand soir » qui ne sert plus depuis qu’à ridiculiser à l’avance des rêveries que personne n’oserait formuler sans rougir, celles d’un soulèvement planétaire à partir d’explosions concomitantes. Cette délirante hypothèse sans partisans fait son chemin toute seule à l’heure de la communication numérique mondialisée et de son immédiateté, à celle d’un stade achevé de l’unification du monde, quand chacun de ceux payés pour penser s’accorde pourtant à la modestie devant la pluralité des petits particularismes et dans l’adoration impuissante de la complexité. 2019 nous apprendra que c’est peut-être la voie la moins irréaliste, qu’elle n’était pas si loin. Ubique et nunc, synchronisation par effets de viralité, reconnaissance irréfutable d’un parti de l’histoire, médiation universelle à partir d’une irréversibilité pleinement endossée. Mais il est vrai qu’au moment où nous écrivons ces lignes, c’est même 2019 qu’il a fallu repousser au plus loin des mémoires, pour ce qu’il continuait de dessiner huit ans après ce premier aperçu : ce sont les pratiques qui font les communautés, définissant les divisions et les appartenances, dans la négation de toutes celles imposées et conditionnées par la passivité. Communautés qui n’en sont plus dès lors et surgissent comme sujets collectifs, condition première de l’accomplissement, la seconde et non moins fondamentale étant qu’ils se fondent.

 

Extrait du texte Hiver 2011, le commencement d’une époque disponible ici.

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La bergerie se repeuple

 

A l’ère du twittérisme frénétique et du tiktokisme exalté, déplorer les phénomènes d’amnésie collective tiendrait à la fois d’un idéalisme anachronique et des efforts de Sisyphe. On se suffira, pour introduire ceux qui suivent et concernent le domaine des faits, d’un rappel théorique qui pourra paraître redondant eu égard à la pratique du monde depuis les insurrections de 2011 et les cycles de révolte engendrés dans leur sillage jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit de répéter de concert avec ce mouvement du négatif, et ses émissaires actuels du Sri Lanka, qu’il n’y a pas d’événement à moins d’un soulèvement du peuple. C’est-à-dire qu’il n’y a pas de nouveauté historique en deçà de cette condition tautologique, et que pour cette raison tout ce qui prétend à cette appellation, se donnant ainsi l’apparence d’une telle importance, est une imposture produite par les ennemis du soulèvement du peuple. Dans le moment de la pseudo-actualité du pseudo-événement des élections présidentielles, spectacle s’il en est, chacun saura faire le tri de qui s’est acoquiné avec un tel mensonge.

Le commencement insurrectionnel de l’automne 2018 en France avait établi un niveau de radicalité à partir duquel la représentation politique était désormais considérée comme caduque. Sur cette question, la rupture actée par ce mouvement dit « gilets jaunes » de blocages et d’émeutes a consisté dans le rejet de l’ensemble de la classe politique par la dénonciation de l’identité de chacune de ses variantes idéologiques supposément antagoniques. Dans la discontinuité produite par l’événement, ce qui était déjà dans les têtes y a été partagé et mis en pratique avec la proclamation d’une autonomie d’action et de parole où la moindre tentative de récupération devait être dûment expurgée sous les insultes et sous les coups.

Dans la rencontre sur les ronds-points, ce saut qualitatif s’est traduit par une dissolution des apparentes identités politiques, encore partielle mais où ce qui primait en effet tenait à une base d’accord minimale de rejet du pouvoir séparé et aux pratiques collectives engagées, à l’inconnu et au possible sur lesquels elles ouvraient. C’est du moins l’expérience qu’ont pu faire ceux qui se sont prêtés à ce jeu-là et qui ont pu mesurer alors la facticité de ces supposées identités politiques, la plupart du temps seulement définies par le « choix » fait tous les cinq ans lors de l’élection des dirigeants de l’État parmi le panel de tous ses frais postulants. Une identité imposée, comme les autres, et en l’occurrence du point de vue de l’État, à la condition donc du maintien de la séparation.

On avait vu alors dans ce moment historique une ligne de front apparemment nouvelle traverser la plupart des milieux et des catégories sociales. Entre ceux donc qui s’y sont ainsi jetés à égalité avec tous les autres participants anonymes et ceux qui, au mieux, n’ont pour ainsi dire rien vu de ce qui s’y jouait. Parmi ceux-là, une bonne partie de la population se réclamant d’une identité degauche a trouvé de rédhibitoires défauts à la colère de ces beaufs hirsutes, cela en accord avec le personnel médiatique les recouvrant de toutes sortes d’anathèmes dès qu’ils sont passés à l’attaque, soit dès qu’ils ont démenti le misérabilisme dans lequel on pensait les contraindre toujours. Car c’est le plus grand scandale de ce moment, que des gueux de province accèdent ainsi au premier rôle sans qu’on puisse même leur désigner un chef avec qui négocier, le moindre encadrement pour les canaliser, pas même une revendication progressiste raisonnable qu’on pourrait satisfaire.

Une fois la phase offensive et sauvage passée, après le mois de décembre 2018, donc après la principale bataille, le militantisme degauche a trouvé sa place dans le paysage, scandalisé cette fois par les « violences policières » commises contre des manifestants qu’il fallait alors présenter comme vierges de toute velléité séditieuse. Les insurgés, inapprochables à moins de les rejoindre dans leur extrémité, étaient désormais des victimes à défendre d’un État dysfonctionnel. Ainsi d’autres chants, d’autres thèmes, d’autres slogans sont venus remplacer ou s’adjoindre aux borborygmes initiaux si négatifs, mentionnant par exemple « l’honneur des travailleurs » et un « monde meilleur », les polissant à grand renfort d’inquiétudes écologistes ou s’effarouchant du trop stigmatisant slogan qui faisait des flics « les putes à Macron ». Cet appui, dans un tel moment de reflux, à partir de l’héritage de la récupération de l’insurrection antérieure de mai 1968, voire de plus poussiéreuses encore, a donné une prolongation hybride pendant plusieurs mois et finalement jusqu’au retour des « mouvements sociaux » traditionnels, alors contre la réforme des retraites et la loi « sécurité globale ».

A l’origine de ce qu’on pourrait nommer une forme de colonisation, tant ont abondé les gestes pour civiliser le sauvage, mentionnons l’usage à partir de janvier 2019 de la forme d’organisation en assemblée comme porte d’entrée du personnel militanto-associatif dans le mouvement des gilets jaunes. Ces derniers n’avaient pas nommé ainsi leur expérience de démocratie directe sur les ronds-points et l’initiative a donc paru une invention bienvenue pour un tour libertaire officialisé à partir du vocable légitime. Processus qui mena in fine à une sorte de fédération dans des « assemblées des assemblées ». Quiconque a participé à ces ADA sait qu’il ne s’agissait quasiment jamais d’y débattre sur la base de la rupture automnale sans laquelle elles n’auraient pourtant pas existé, mais de charrier les recettes gauchistes d’un autre temps dans un réconfortant consensus « anticapitaliste » décliné suivant les chapelles en communalisme ou en grèvegénéralisme. Nombre d’assemblées, dont principalement celles de centre-ville, n’avaient aucune pratique propre, ni blocage, ni ronds-points, ni même organisation de manifestation ou ouverture de maisons du peuple, et n’existaient ainsi que comme soutien extérieur, et d’autres organisations participantes n’étaient ni des assemblées ni des gilets jaunes, mais des associations citoyennes, ces métastases étatiques préposées à leurs attributions respectives. Qui s’étonnera de voir le candidat présidentiel de toute cette engeance appeler depuis à des « assemblées populaires » en vue de préparer le futur scrutin législatif ? C’est la suite logique, quoique des plus grossières, de leur instrumentalisation de la forme assemblée, de sa dénaturation de critique pratique du pouvoir séparé telle qu’on l’avait vue à l’œuvre au moins depuis 2001 en Argentine, en moyen de son perfectionnement, en caution « populaire » de sa continuation.

Car le rejet apparemment si lucide des partis politiques et des syndicats porté par les gilets jaunes était en partie dupe de leur forme modernisée, de la myriade de leurs satellites et cache-nez associatifs, horizontaux et citoyens, puisqu’à ce moment-là tous ceux-là taisaient encore prudemment leur appartenance partisane. La critique unitaire de l’événement GJ s’est ensuite assez vite trouvée occultée puis noyée dans une foule de causes sectorisées et leurs revendications particulières, chacune partageant le registre défensif de la réclamation. Pris au piège d’une telle banalisation infamante, les gilets jaunes se voyaient dès lors associés, dans des appels à manifester, à des gilets rouges et des gilets verts que personne, parmi ceux dont les cerveaux étaient disponibles à la vérité, n’avait jamais vus nulle part. Lors du dernier sursaut conquérant, le 16 mars 2019 à Paris, les gilets de ceux qui se battaient contre la police pour renverser le système à quelques centaines de mètres de l’Élysée étaient jaunes, tandis que des cortèges antiraciste et écologiste de dizaines de milliers de passifistes marchaient dans le sens opposé pour rentrer sagement enfiler leurs pantoufles dans l’Est parisien. La liste de tous ces collectifs contre-manifestants est toujours consultable à cette date sur l’agenda militant Démosphère. Sans risquer de se tromper au vu de l’unanimité récente de tout ce milieu enfin sorti du bois, on peut supposer qu’ils auront tous ces derniers mois appelé à voter pour leur candidat au premier tour de la mascarade électorale de l’État. Les dernières disputes autour de la récupération des GJ sont désormais closes avec cette ultime vérification, la ligne de front s’éclaircissant entre la révolte populaire d’un côté et la reconstitution de la gauche et de « ses luttes » de l’autre.

On n’apprendra à personne que la gauche, en digne héritière d’un christianisme mal assumé, signifie l’encadrement étatique ou para-étatique des pauvres, l’encadrement des faibles, encadrement possible à la condition qu’ils restent pauvres et faibles, à celle donc de taire et d’occulter la puissance historique, aussi paradoxal que cela puisse paraître, qu’ils sont les seuls à constituer. La gauche est le gardien bienveillant du troupeau. Sa décomposition continue au cours des décennies passées a laissé orphelins ses derniers fidèles désemparés par l’absence d’une représentation politique. Le sommet de cette frustration peut être daté de la protestation contre la loi travail au printemps 2016, où un mouvement d’assemblées lancé au départ par le journalisme militant a échappé très rapidement à ses initiateurs pour critiquer la représentation politique proprement dite, mais finalement sombrer dans les vieilles lunes syndicalistes et la célébration de la CGT. Deux ans plus tard, les gilets jaunes, éloignés du carcan métropolitain de Nuit Debout, auront fait preuve d’une tout autre conséquence en joignant le geste à la parole contre la représentation syndicale et surtout politique dont ils allaient « chercher chez elle » l’incarnation ultime, le pitre en chef, cette « tête de con ».

L’insurrection est un révélateur, une orgie de vérité à laquelle personne n’échappe dans son moment. Celle mineure des gilets jaunes a dit en actes ce qu’il fallait penser, en montrant ce qu’ils sont, des syndicats, des journalistes, des partis politiques, de l’État dit de droit, de la « démocratie » parlementaire. Ils ont révélé à tour de bras, selon l’antique méthode de vérification pratique, les mensonges dominants qui assurent la perpétuation de la domination. C’est leur plus grande et insupportable violence. On dira maintenant que ces mensonges étaient déjà sus. Mais la condition pour vivre dans la société qu’ils autorisent était de les faire siens, d’en rester au constat, de s’avouer impuissants à donner des conséquences à leur dénonciation. Par leur critique pratique, les gilets jaunes ont dit une chose simple : dorénavant, on ne mentira plus en paix. L’insurrection est un repère et tout retour en arrière est une trahison. Avec cette importune et crue vérité, la gauche ne peut que transiger, elle qui doit son existence d’alternative étatique à la conservation de ses petits mensonges qu’elle oppose aux plus gros de ses moins scrupuleux concurrents. Petits mensonges qui, comme chacun peut l’observer, se retrouvent dans la survie même de ses cadres intellectuels, que ce soit par exemple pour assurer leur carrière de chercheur universitaire, et on sait à quel prix, ou dans l’optimisation du futur de leur progéniture. La gauche et ses tenants ne nous disent qu’une chose en dernière instance : il faut améliorer tout ce qui est déjà là puisque nous en sommes. On a ainsi pu voir jusqu’aux extrêmes-gauchistes pro-GJ appeler désormais à voter pour un candidat que déjà les occupants anti-CPE de la Sorbonne en 2006 avaient dégagé sous les huées et qui était même persona non grata sur la place de la République lors de Nuit Debout en 2016, mouvement peu taxable d’extrémisme. Le « rien n’est possible » de la pensée structuraliste dominante dans l’université, cœur de cette usine à récupérateurs, et qui mène à la conclusion « donc votons », ne tient qu’à la condition que ces fichus pauvres sans diplômes, chiffres de statistiques sociologiques d’ordinaire, n’aient pas montré l’exact inverse dans les rues et que leur virus de renversement radical ne se soit pas exporté à la vitesse d’un feu de brousse à travers le monde aux frontières si supposément étanches et aux contextes si supposément divers.

Le devenir-monde des « insurrections arabes » en 2019 et depuis a confirmé ce que quelques rares observateurs avaient déjà pu signaler en 2011, à savoir qu’il ne s’agissait pas alors d’un problème lié à la particularité de ces dirigeants arabes dont il avait fallu faire le portrait médiatique d’anomalies dictatoriales d’un autre temps dégagées par l’aspiration au progrès démocratique occidental. Ce que nous dit 2019, dans la dizaine d’États concernés par des émeutes généralisées de longue haleine ou d’occupation endurante de l’espace public, c’est qu’il n’y a plus d’offre politique, telles qu’elles se présentent au géopoliticien comme autant d’options sur la carte de la domination gestionnaire, susceptible de répondre à l’insatisfaction mondiale, et que les différences idéologiques et politiques présupposées des classes dirigeantes dans le monde sont essentiellement fausses. Dans une authentique et internationale exécution du que se vayan todos, la gauche (Maduro, Ortega, Moreno, Morales) comme la droite (Piñera, Duque) ont été attaquées en Amérique latine, les mollahs iraniens comme leurs homologues d’Irak, le supposé triomphant État chinois comme le bouffon Trump rattrapé par une dynamique commencée sous le cool Obama, et la liste pourrait se poursuivre d’Haïti à la Guinée, du Liban au Soudan, et donc jusqu’à la si exemplaire démocratie française. On nous dira qu’il n’y a pas d’équivalence, on répondra que tous ceux-là ont tremblé pour leur poste face à la même négativité la plupart du temps émeutière dont les incendiaires de Santiago traduisaient ainsi l’irréductibilité : « Nous ne reviendrons pas à la normale car la normalité était le problème. »

Ce qui se joue depuis, c’est la relégitimation de la classe dirigeante grandement aidée par la pandémie et les mesures qu’elle lui a autorisées et dorénavant par la médiatisation centrale d’une guerre interétatique. L’heure est à la recomposition, dont l’exemple le plus significatif est celui du récupérateur en chef de la belle insurrection chilienne, le si normal Boric aux prises déjà avec des manifestants lucides sur sa fonction. La manœuvre est donc aussi effective en France à la faveur comme ailleurs du calendrier étatico-médiatique, enfin réimposé, divisant les pauvres suivant son marché électoral et satisfaisant ainsi le camp de gauche reconstitué autour du « vote utile », ce dégoûtant chantage fait au nom des « plus fragiles ». Tous les ensauvagés d’il y a quatre ans doivent donc revoir et renier leurs principes édictés à l’aune de leurs expériences collectives, et rentrer dans l’enclos reformé des oppositions spectaculaires dont personne ne saurait ignorer la troublante complémentarité. Nul ne saurait ignorer davantage le rôle fondamental de l’information dominante, cet intermédiaire sans légitimité, dans leurs mises en scène comme dans la séparation qui les conditionnent pour consacrer cette séparation dans son inévitable résultat pathologique de névroses identitaires en phobies de l’altérité.

Un tel travail aura été facilité par la division imposée lors des protestations contre les mesures autoritaires « exceptionnelles » prises au prétexte du virus COVID. Là encore, reprenant d’une même voix la calomnie médiatique, le paternalisme de gauche aura réduit des centaines de milliers de réfractaires à un ordre absurde à des complotistes plus ou moins néo-nazis. Seule aura été épargnée l’avant-garde guadeloupéenne, qu’aucun audacieux progressiste n’aura osé taxer de descendance du Troisième Reich. Lorsqu’au mois de février 2022 une résurgence des ambitions gilets jaunes proposera une montée nationale en convoi routier sur la capitale, toute la bonne pensée de gauche la caricaturera en monstruosité d’extrême droite, occultant ainsi sciemment que ces convoyeurs ne faisaient que rejoindre avec un temps de retard les émeutiers de Pointe-à-Pitre. Et face à cette pratique nouvelle, influencée par l’exemple canadien mais très différente dans son expression et son application puisque largement grossie par la province GJ, les derniers vestiges gilets jaunes de la capitale auront préféré maintenir leur pérégrination hebdomadaire sous escorte policière dans l’Est parisien plutôt que venir soutenir l’arrivée triomphale du convoi sur la place de l’Étoile. En l’espace de quatre ans, ces gilets jaunes d’aujourd’hui, qui marchent tous les samedis tels des somnambules avec des panneaux exhortant les passants à se réveiller, sont déjà devenus la CGT d’hier. Preuve supplémentaire que conserver la critique passée intacte, d’autant plus dans ses formulations inachevées, est déjà un moyen de la récupérer, comme le montrent plus exemplairement encore les alléchants programmes électoraux enrichis de RIC et de pouvoir d’achat.

Pour conclure ces quelques banalités, disons donc que tous les appels moraux à participer à la pitrerie électorale au nom d’une supposée responsabilité sont des insultes crachées à la gueule de tous les désintéressés qui ont pris part à la dernière grande révolte en France. Et s’il semblait jusqu’ici que cet affront resterait impuni, on ne pourra plus dire que c’est le cas. Chacun sait désormais, relativement à la « conjoncture », qu’on peut se fier, une fois n’est pas coutume, aux « conditions objectives » pour anticiper les soulèvements d’un futur proche, et les plus prévoyants s’y préparent, plus nombreux pour l’instant dans le camp de ceux qui souhaitent les désamorcer, les empêcher ou plus simplement les anéantir.

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Nouveauté

L’amnésie et le recouvrement ayant depuis fait leur œuvre, il est aujourd’hui particulièrement difficile de représenter, pour le faire à nouveau sentir, à quel point le mouvement insurrectionnel de 2011, selon ce que devrait toujours être la définition d’un événement et la nouveauté qui lui est inhérente, a surgi de façon imprévisible pour ébranler les plus solides certitudes, secouer et revitaliser un corps ensommeillé et transi d’inquiétudes. Comment ce grand éclat, allègre et voluptueux, a d’abord déchiré la fatalité régnante pour la renvoyer à sa misère et à sa honte. Comment il a déterminé de ce fait la décennie qui a suivi et les temps que nous vivons encore, ce que sont devenus dans son sillage le monde et sa représentation. Au-delà de la surprise générale, ce qui apparaît même à l’observation la plus superficielle correspond à ce que l’on pourrait nommer un retour, du négatif, de l’histoire, du rôle central du négatif dans l’histoire. Une telle impression demande toutefois à être en partie contredite. Ce « retour » s’est manifesté dans la représentation dominante et principalement parce que cette dernière s’y est trouvée momentanément contrainte. Si les insurrections d’Irak et de Somalie avaient forcé les informateurs à se taire en 1991, celles de 2011 les ont forcés à parler. Car ce n’est pas tant d’un retour effectif de la dispute humaine nommée histoire qu’il s’agit, celle-ci n’ayant jamais cessé, mais de celui de sa visibilité. L’assaut de 2011 a été suffisamment puissant, et si concentré dans le temps, si conquérant dans l’espace, pour que chacun, jusque chez ses adversaires, soit momentanément obligé d’assister à la manifestation d’une idée continuellement refoulée parce qu’immédiatement scandaleuse et en apparence si paradoxale : ceux qui n’ont au quotidien aucun pouvoir sur l’emploi de leur vie sont les acteurs principaux de l’histoire, les seuls quand l’audace les saisit à pouvoir transformer effectivement le monde. Parmi ses multiples répercussions, ce que 2011 change d’abord, c’est le regard commun porté sur la révolte qui semblait jusqu’alors si bien obscurcie et si irrémédiablement reléguée à la périphérie des attentions. 2011 porte jusque dans sa terrible défaite, qui l’a d’abord voilée, cette terrible avancée pour le parti du négatif : ce monde est de nouveau à la merci des pauvres qu’il produit, et l’idée a depuis fait son chemin. Sous la surface anesthésiée de l’amnésie et du recouvrement, cette jeune taupe explosive a continué de creuser.

Résultat d’un déni général préalable, le choc honteux produit par une telle irruption, celle d’une grande bataille dans une guerre déjà en cours, celle d’une grande offensive surtout dans un conflit dominé par un belligérant qui s’était assuré le contrôle des transmissions, en dit déjà large sur les temps que nous vivions avant. Il fallait montrer que la guerre avait bien lieu en sortant de l’ombre les escarmouches nombreuses et les attaques les plus prometteuses, moquer les aveuglants contre-feux comme le ridicule de la neutralité affichée sous les bombes de l’insignifiance du quotidien, de la pauvreté marchande, de l’ajournement du sens et du contenu. Dans la retraite générale, quand on ne sait plus même dater le moment si lointain de la défaite et nommer ses raisons, sa décision, on se satisfait vraisemblablement de peu. La vision totale de la guerre avait disparu depuis trop longtemps des écrans radars, éclipsée par les dispositifs consécutifs aux défaites des plus grands assauts antérieurs sans plus même la conscience de ce lien de cause à effet.

Extrait de l’introduction au texte Hiver 2011, le commencement d’une époque disponible ici.

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Après

Jamais nous n’avons été aussi libres que sous le confinement. Les méchants Parisiens qui en profitent pour prendre du bon temps à la campagne au mépris des consignes. Les ouvriers qui se mettent enfin en grève. Les cadres qui téléglandent. Les enfants qui exultent. Les parents qui découvrent la vitalité usante de leur progéniture. Les animaux s’ébaudissant avec une arrogance qu’on ne leur soupçonnait plus. Quelle paradoxale récréation sous la plus coercitive contrainte et sous la terrible menace de l’asphyxie. Chaque Français mis au même régime que ces horribles gilets jaunes subissant des amendes de 135 euros à chacune de leurs sorties publiques hebdomadaires. Les moralistes qui sermonnent. La parole des agents de l’idéologie dominante qui révèlent tout, d’un coup, sur ce qui est dispensable et sur ce qui est essentiel. Travailler pour manger, manger pour travailler, voter pour les reconduire. Les milliards disponibles pour venir au secours de la marchandise, denrée fondamentale sans laquelle nous mourrons.

Mais le moment est à la gravité. Des gens meurent par centaines, comprenez-vous ? Les soignants se battent, les caissières et les routiers, et les flics, même les flics, se sacrifient. Être responsables, soudés, voilà ce qu’il nous faut jusqu’au retour à la normale. Ce retour à la normale tant espéré. Nous sortirons de cette tragédie. Tout recommencera comme avant jusqu’au prochain épisode de la catastrophe générale. Recommencer, toujours recommencer. Pour la nation, pour l’économie, pour le PIB. Revenir au plus vite à cette absurdité, à l’absence de sens, à l’absence de but. Jusqu’à ce que mort s’ensuive, mais le plus tard possible et chacun de son côté. Retrouver enfin nos destins séparés, confiés en des mains responsables qui ne manqueront pas de changer de cap, opéreront les réglages adéquats. Faisons-leur encore confiance, une dernière fois, ne doutons de rien. Tout est seulement décalé de quelques mois, voyez Roland Garros.

Ou tout maintenir à l’arrêt après la fin de l’épidémie. Prolonger la respiration. Ne rien reprendre, mais au contraire poursuivre la pause. Dehors cette fois, en continuant notre diète de bars, de restaurants, d’achats. Maintenant que nous savons, que nous avons fait l’expérience du soulagement consécutif à cette ascèse. Ne pas retourner travailler, ne plus rien payer. Assister joyeusement à l’effondrement du CAC40. Tout y perdre pour tout gagner.

Se retrouver vraiment. Se réunir partout, tout reprendre à zéro. S’interroger ensemble sur notre devenir, s’en proposer la maîtrise. Ne plus rien déléguer. Ne plus laisser le pouvoir aux mains de quelques-uns. Douter de tout. Débattre de tout, du dispensable et de l’essentiel. Ne plus reconduire les divisions qu’on nous impose, envoyer aux ordures les identités qui nous enferment, organiser la rencontre la plus large de tous. Aucune frontière n’a stoppé l’épidémie, aucun État n’est étanche, ces abstractions étaient dans nos têtes. Considérer le travail pour ce qu’il est, une corvée pour manger. Produire notre propre imaginaire hors de la marchandise culturelle. Dehors le cinéma, dehors les séries, dehors les musées, dehors le théâtre ! En finir avec cet éternel retour du même, de festival de Cannes en Tour de France, de jeux Olympiques en Coupe du Monde. Faire le choix de l’irréversible et de l’inconnu avant que la catastrophe ne le fasse pour nous.

Nous avons vécu trop longtemps dans la résignation, en pensant que rien n’est possible hors de l’offre faite à chacun sur le grand menu de la vie mutilée. La machine à l’arrêt, nous faisons déjà l’expérience contraire. Leur programme cyclique est interrompu, et avec lui le rythme infernal qui nous précédait, toujours. Le voile tombe. Que désirions-nous encore dans toute leur verroterie dont ces fétichistes font maintenant l’aveu qu’elle n’était qu’un prétexte à la seule circulation de l’argent, unique richesse dans ce monde ? Brûlons le menu écrit par d’autres, tirons la nappe et renversons la table. Nous n’avons à y perdre que la pauvreté de nos vies quotidiennes, trop quotidiennes. Rien de plus dérisoire pour des condamnés que d’être résignés. Nous ne sommes plus libres de l’être et plus aucun infini ne viendra désormais nous consoler.

Mais que font-ils en face quand nous sommes pour la plupart d’entre nous assignés à résidence ? Les blindés de l’armée sont déjà là. Le chef de l’État et ses laquais exhortent à travailler. Les flics patrouillent. Les parlementaires commissionnent en urgence. Les experts bégayent. Les banquiers suent, et pas à cause de la fièvre. Les journalistes morigènent. Leur plus grande inquiétude, c’est l’étape d’après. La guerre qu’ils mènent n’est pas nouvelle, leur ennemi n’est pas un virus. Ils préparent la suite comme ils savent le faire et pour cela rien ne ressemblera aux douces et plates espérances de l’an 0 de Gébé. Les gilets jaunes, les émeutiers du Chili et d’Haïti, les insurgés d’Iran et d’Irak, les manifestants libanais, les protestataires de l’Hirak algérien, les frontliners de Hong Kong, les grévistes de Bogota nous l’avaient dit : fuir la guerre, c’est la perdre encore et toujours.
Serons-nous prêts ?

A bientôt, pour de belles retrouvailles, dehors.

 

 

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Les loups dans la bergerie

Les loups dans la bergerie

Banalités de base sur la révolte en cours

 

Nous sommes ce que nous faisons

La seule façon de définir une révolte, qui ne dispose pas d’une théorie préalable partagée par l’ensemble de ses participants, est de s’en tenir à ses pratiques. C’est une méthode qui s’oppose à celle de tous les commentateurs extérieurs qui s’imaginent encore que la pensée consciente, c’est-à-dire individuelle, prime sur les actes. L’essence de la révolte des gilets jaunes, sans leaders et autoconvoquée à l’origine via les réseaux sociaux, réside dans l’ensemble des pratiques collectives de tous ceux qui y ont participé sans se connaître préalablement. Par leur nouveauté, leur radicalité, leur ubiquité et leur unité, elles forment déjà un discours. Elles définissent un parti pris parce qu’elles rompent avec l’ordre des choses, avec la résignation et la soumission ordinaires. Rupture en deçà de laquelle il n’y a rien que le retour inexorable du même. La critique en actes reconnaît la part d’inconnu qu’elle contient, la traduction théorique qui lui manque encore, et le possible qu’elle ne peut fermer prématurément. Une telle rencontre, basée sur l’insatisfaction, progresse à ce rythme, dans son rapport de force avec tous les pouvoirs en place et par les perspectives nouvelles qu’elle ouvre. Sa négativité est féconde.

 

Fin des mouvements sociaux

Quoi de plus scandaleux que la révolte des gueux ?

Le tour offensif qu’a pris la contestation depuis la fin du mois de novembre constitue la nouveauté principale en France. Blocages, émeutes, destructions de péages, attaques de bâtiments publics et gouvernementaux, affrontements avec la police, agressions publiques d’élus et de journalistes : nous ne sommes pas dans un énième mouvement social aux motifs défensifs et réactifs, mais dans la forme moderne de la révolte. Ces pratiques inaugurales ne sont pas le fait de casseurs ou d’ultras, contrairement à ce que le matraquage médiatique et gouvernemental tente de faire croire, mais celui des acteurs principaux du soulèvement. En parler autrement et propager ces anathèmes consiste à trahir tous ceux qui, plus courageux que d’autres, en payent aujourd’hui le prix en prison. Le pouvoir a bien compris le danger d’un tel basculement, au point d’utiliser des moyens exceptionnels pour l’éradiquer ; on a pu vérifier à cette occasion le mensonge sur l’Etat de droit s’assumant en l’espace de quelques semaines comme un Etat autoritaire. La guerre qui s’est instaurée, siège des antagonismes fondamentaux, ne laisse place à aucune négociation, réforme ou compromis possibles. Un cap a été franchi à l’automne 2018 avec la sortie de tous les chantages, dont en premier lieu celui à la catastrophe écologique. A la différence de mobilisations antérieures, la révolte dont il est ici question contient un enjeu historique. Attaquer pour ne plus subir s’y est imposé comme une nécessité.

 

L’illégalité assumée

Il n’y a pas de révolte légale

Durant sa phase ascendante, c’est-à-dire jusqu’au 1er décembre inclus, nul ne se souciait de la légalité des actions entreprises dans le cours de la révolte, chacun sachant bien alors que l’on ne transforme pas les conditions existantes en respectant des lois édictées pour leur conservation. Paralyser la circulation, ne pas déclarer une manifestation, y participer dans ce cas, occuper l’espace public sans autorisation, y porter un masque de chantier ou des lunettes de piscine, taper dans un bouclier de CRS, tout cela est puni par la loi. Jamais dans l’histoire ceux qui l’ont faite, aux prises avec toutes les forces organisées et unifiées de la conservation, ne se sont posé la question du respect de la loi. L’histoire n’est ni le domaine de la morale ni celui du droit, les temps d’obéissance y sont ses pages blanches. L’émeute parisienne du 1er décembre a été le point culminant de cette négativité où personne n’entendait déplorer les dégâts qu’elle causait dans les quartiers les plus riches de France. Sans ces heures d’émeute, nous n’en serions pas là. Les mesures d’exception prises en urgence pour accentuer la répression nous montrent, s’il en était besoin, qui détient l’arme de la loi et pour quel but.

 

Refus des encadrements

Ni Macron, ni Mélenchon, ni Le Pen ni personne

La décomposition de la classe politique, du pouvoir séparé, et celle de l’encadrement syndical  du défunt mouvement ouvrier, est arrivée en phase terminale. La révolte des gilets jaunes a acté cette décomposition. Le néo-monarque Macron, qui gouverne par ordonnances, n’a pas fait ce vide, il est le résultat transitoire de ce vide. Le système représentatif produit des spécialistes, des professionnels d’une comédie stérile conduisant à l’usurpation systématique du pouvoir. La plupart des pauvres n’en étaient pas dupes avant, mais une partie d’entre eux agit désormais en conséquence suivant des constats qui ne peuvent plus être occultés : l’Etat libéral dit la vérité de l’Etat, il est au seul service de la marchandise ; les syndicats ne sont qu’un rouage du pouvoir, dernier recours pour éteindre tout mouvement social conséquent ; les partis politiques, confinés à l’impuissance perpétuelle, sont périmés par une révolte qui a su si bien transcender les divisions et catégories préexistantes : leurs « logiciels » comme leurs conditions mêmes d’existence sont obsolètes.

 

Refus de la représentation

On veut pas plus de SO que de Jacline Mouraud

Une telle lucidité a mené au rejet systématique de toute forme de représentation de l’ensemble des gilets jaunes. Toute parole qui prétendrait s’exprimer au nom de cet ensemble est une usurpation.  Les « figures » encore tolérées du mouvement ne sont que des relais qui ont survécu en sachant, pour l’instant, rester à leur place et ne jamais se risquer à cette prétention quand tous ceux qui voulaient capitaliser pour leurs propres intérêts ont été systématiquement et dûment expurgés. Nous connaissons le résultat de l’appropriation privative du pouvoir. Qui veut encore de sa personnalisation ? Elle appartient au passé.

 

Refus de la négociation avec le pouvoir

11 morts, 1 900 blessés, on débat pas, tu dégages

La radicalité du mouvement sur les ronds-points et dans la rue, associée à ce rejet de toute forme de hiérarchie et de porte-parolat, nous a préservés d’une prise de langue avec le pouvoir qui, sourd jusque-là, ne demandait que ça une fois mis sur la sellette. Il est évident qu’après la répression qu’il a menée, la calomnie qu’il a déversée, la division qu’il a distillée, il serait insensé et indigne de s’asseoir à sa table. L’Etat a du sang sur les mains et se vautre dans une arrogante impunité, son chef poussant l’ignominie jusqu’à nier devant son homologue égyptien la mort directe d’une femme tuée par sa police dans le cadre de la répression. Qui dialogue avec un tel pouvoir, après les éborgnements et mutilations en série,  s’en fait immédiatement le complice. Il ne peut y avoir de retour en arrière.

 

Le rôle des revendications

Les miettes, c’est pour les pigeons

Tous les récupérateurs potentiels ont cru voir dans la multitude des revendications, émises au fil des semaines, le travestissement possible de la révolte en mouvement revendicatif, sans comprendre en quoi leur rôle principal est de recenser, de faire connaître et de mettre en commun les raisons de la colère. Il n’a jamais été question depuis décembre de réclamer quelques miettes à Macron, la principale et unanime revendication exigeant son départ, lui dont la politique et le programme antisocial s’opposent en tous points à l’ensemble de ces constats critiques sur l’augmentation de tous les prix, l’accroissement corollaire des restrictions et des contrôles, le démantèlement accéléré des vestiges du « service public », les faveurs accordées aux plus riches. S’imposant dans un moment de reflux de la révolte, le désormais célèbre RIC a représenté une sorte de compromis consensuel entre l’exigence minimale portée par la radicalité de la rue et le souci inquiet de proposer une réforme étatique raisonnable. Reprise depuis comme une formule magique, cette proposition de modifications des institutions, plus ou moins profondes suivant les versions, a l’inconvénient de poser les limites de la révolte dans une traduction prématurée de ses buts qui relègue ses acteurs principaux actuels, ce sujet collectif nouveau, à un rôle in fine consultatif. S’il évoque une saine intervention de la majorité dans le contrôle du pouvoir, ce plafond de verre théorique tend surtout une perche à tous les partisans d’une résolution du conflit social par une réforme de surface telle que le « grand débat » la prépare. L’insertion dans le cadre pragmatico-rationnel de tous les gestionnaires à partir de leur postulat autoritaire sur la réalité est un tombeau. La réalité est à faire et non plus à subir comme un donné. Il suffit de constater l’état du monde pour juger de la vertueuse rationalité économiste brandie par tous ceux qui en font un argument d’autorité à la seule fin de maintenir le statu quo.

 

La critique de l’information dominante

Journalistes, vous avez toléré trop de choses pour être tolérés

La même clairvoyance s’est manifestée à propos des médias dominants auxquels, dès les premières semaines, les gilets jaunes se sont montrés hostiles. Il est aujourd’hui partagé par une grande partie de ceux qui subissent son monologue permanent que l’information dominante travaille à la conservation de la société en place et prend systématiquement parti contre ce qui en menace la continuation paisible. Il n’est plus toléré qu’une petite caste, sans aucune légitimité, parle à la place des autres, encore moins quand cette caste est tenue par une poignée de milliardaires, et qu’elle se montre l’ennemi le plus direct de la révolte depuis plusieurs semaines, par la calomnie la plus grossière, par le mensonge sur les effectifs des manifestations, par son travail d’auxiliaire de police. Elle, qui se flatte encore de sa liberté d’expression, s’est révélée comme la plus caricaturale des presses aux ordres. Elle n’est plus que le porte-voix du gouvernement. Avec les moyens nouveaux à notre disposition, nous n’avons pas besoin des « médias », qu’ils soient au service de l’Etat français, en roue libre pour leur propre compte, ou pilotés de l’étranger pour des intérêts qui nous sont tout aussi hostiles.

 

L’auto-organisation

Un peuple qui vit ne rond-point

L’ensemble de ces refus traduisent un même sentiment chez ceux qui font la révolte, celui de la dépossession permanente. S’est ancrée pour chacun la conviction scandaleuse de n’être pas maître de l’emploi de sa vie. D’une contestation sur les difficultés mêmes de survivre, conséquence ultime de cette dépossession, la puissance collective qui s’est déployée a commencé de poser la question de ses causes fondamentales. Le cours commun de la séparation s’est brisé, d’abord sur les lieux de blocage en petits groupes locaux, ensuite dans les manifestations offensives et sauvages où ces groupes locaux ont vu concrètement leur effectif, leur unité, à l’échelle de tout le pays, et la force qu’ils constituaient. La rupture enjouée du quotidien vécu jusque-là dans l’isolement et la prise festive de l’espace ont été le premier pas d’une appropriation collective de l’existant, puisque de possession véritable nous n’avons jamais eue. La richesse de cette expérience ne peut mieux se mesurer que dans son terrible contraste avec la désespérante survivance de la résignation qui la cerne encore. L’ordinaire de la servitude n’a jamais paru si misérable.

 

Les assemblées

On débattra quand on vous aura tous virés

Aucun groupe local sur les ronds-points n’a eu besoin d’experts en conseillisme pour pratiquer spontanément la démocratie directe à cette échelle. Pour faire de cette pratique une forme de continuation de la critique du système de dépossession, un appel a été lancé à la création d’assemblées populaires. Rapidement et paradoxalement, cet instrument a été une sorte de porte d’entrée pour les groupes militants, associatifs et partis politiques préexistant à la révolte et tentant de s’y greffer pour y imposer leurs marottes, leur programme et leurs vieilles lunes au mépris de ce qui a lieu. Les assemblées parisiennes, qui ne comptaient que quelques dizaines de participants à tendance militante, et plutôt faibles dans leurs pratiques, étaient ainsi surreprésentées à « l’assemblée des assemblées » de Commercy. Il serait pour autant inconséquent de laisser au parasitage militant cette pratique qui représente encore, sous sa forme authentique du moins, le moyen de s’approprier le débat exécutoire sans aucun intermédiaire sinon strictement mandaté. La pertinence des assemblées dépendra de leur capacité à assumer et appuyer la critique en actes qui a eu lieu depuis novembre. L’intelligence collective, manifestée jusque-ici, et la défiance qui l’accompagne paraissent à même de déjouer le noyautage par des délégués dont jusqu’ici la double appartenance éventuelle n’a, à notre connaissance, pas été questionnée, comme si l’assemblée n’était qu’un organe de vigilance citoyenne, le dernier avatar de la démocratie participative, une organisation compatible avec tout ce qui est là plutôt que sa négation pratique.

 

Pour un dépassement

Des maisons du peuple partout

Si l’on met de côté les « actions » symboliques, aux visées seulement médiatiques, issues d’un aveuglement sur l’historicité de l’événement en cours, la principale préoccupation actuelle consiste à savoir comment pousser l’avantage d’une révolte qui a su s’enraciner dans une séquence de basse intensité, au risque sinon de voir le processus de son intégration au décor la conduire à l’étiolement. Les modalités de mobilisation depuis le début répondent aux contraintes géographiques et de survie de ses participants les plus actifs, elles ont déterminé une intermittence de l’intervention massive et offensive, la permanence sur les ronds-points étant de son côté de plus en plus entravée. Les manifestations urbaines des samedis n’ont ainsi jamais pu s’étendre au-delà de cette journée au point que la question d’une conquête de lieux ou d’une installation dans le temps a fini par ne plus se poser. La scission entre le lieu d’origine de la majorité des participants et la ville s’est ainsi maintenue faute d’une implication massive des habitants des centres urbains. C’est probablement dans le sens de cette jonction qu’il faut désormais porter l’appel à multiplier les « maisons du peuple », non pas comme des zones de repli, mais comme des lieux à conquérir au cœur des métropoles pour y poursuivre la rencontre dans une pratique offensive d’occupation. Rompre ainsi avec le quotidien et l’intermittence, assurer des points de ralliement, créer enfin la situation qui rende impossible tout retour en arrière. En appeler pour cela à tous ceux qui sont en situation d’occuper, qu’ils mènent un mouvement social dans leur entreprise, qu’ils aient pris leur université, qu’ils aient les clés d’un lieu culturel, pour qu’ils inscrivent leur action dans la critique unitaire en transformant leur lieu encore spécialisé en « maison du peuple ». La préparation de la journée nationale du 16 mars à Paris doit se hisser à la hauteur de cet enjeu, le printemps nous rappelant aussi l’opportunité de tenir durablement des places pour la rencontre la plus ouverte de tous. Quand la révolte devient ce qu’il y a de mieux à faire, tout le monde finit par s’y joindre ; Tahrir nous l’enseigne, le 1er décembre nous en a donné un avant-goût, le rendez-vous du 8 mars propose déjà cet envahissement de l’espace-temps et des esprits.

 

Pour une extension

Paris, debout, soulève-toi !

Le parti de l’ordre met tout en œuvre pour empêcher le ralliement d’une autre partie de la population à la révolte dont l’avenir dépend. Pour s’assurer du soutien de « l’opinion », une partie du mouvement est entrée dans la guerre de communication menée conjointement par les médias et le gouvernement. Une fois dans ce piège de légitimation à partir des catégories dominantes, il ne s’agit plus que de donner une bonne image de la protestation, certifier de son innocence parfois jusqu’à la repentance, au reniement amnésique de sa négativité. Ceux qu’il s’agirait de convaincre – les téléspectateurs dociles –  en se pliant ainsi aux injonctions de l’ennemi sont précisément les plus hostiles à toute forme de changement profond. Il conviendrait plutôt d’en appeler à tous ceux parmi les plus relégués, de la grande masse des précarisés aux pauvres des banlieues, qui ont les meilleures raisons de se révolter. En finir avec la division qui est entretenue depuis des décennies par la diabolisation de cette jeunesse qui a expérimenté bien avant cet automne les violences policières et les stigmatisations médiatiques dont on s’indigne maintenant qu’elles concernent d’autres qu’eux. On peut mesurer le danger de cette jonction possible à la manière dont il a fallu terroriser les lycéens pour leur passer le goût de manifester. Quand partout règne la valeur marchande, l’exclusion, la répression et la relégation ne sont plus la condition d’une minorité, mais notre devenir à tous. « Gilet jaune » n’est pas une identité à l’intérieur d’une entité close sur elle-même, mais un signe de ralliement pour l’irruption tapageuse de tous les invisibles dans la chose publique.

 

Pas seuls au monde

Haïti, France, Soudan, révoltés de tous les pays unissez-vous !

En Algérie, au Soudan, en Haïti, dans les Balkans, des situations de révolte que l’on aurait pu auparavant attribuer à tort à des conditions essentiellement différentes des nôtres nous sont désormais visiblement proches. Nous savons que les raisons de l’insatisfaction sont les mêmes quand la tiers-mondisation ne concerne plus seulement quelques zones reculées du monde, mais qu’elle produit au cœur des Etats dits développés du déchet humain dans le sillage du cours autonomisé de « l’économie ». La particularisation des colères à quelque contexte national est le moyen d’empêcher la reconnaissance mutuelle de leur communauté par-delà les frontières, or partout le parti de la conservation travaille à l’interdiction du débat des humains sur leur vie, pour maintenir la verticalité du pouvoir, la domination marchande, l’usurpation de la parole publique. Notre avenir dépend de l’internationalisation du possible ouvert ici contre la caricature qui en est donnée à l’étranger via l’information dominante. La situation de nos pairs d’Algérie nous place devant l’impérieuse responsabilité d’un rendez-vous historique. Macron dégage ! Bouteflika dégage ! Pour des manifestations communes dans toutes les villes de France !

 

Le peuple veut la chute du régime

 

Le 4 mars 2019,

Comité pour la prolifération des loups

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